Confessions d’une mangeuse de viande – Marcela Iacub

… Longtemps après Pythagore, Empédocle, Théophraste, Porphyre et Plutarque, la savante juriste et aventureuse provocatrice qu’est Marcela Iacub s’inscrit dans ce courant. Sa prise de position végétarienne, en forme de confession tragique, fait mesurer à quel point le refus de mettre des animaux à mort pour les manger transgresse les normes sociales qui règlent des habitudes immémoriales et fondent notre rapport à l’animal. Comme si les protéines animales faisaient partie des droits fondamentaux, les diverses formes d’humanismes continuent de partager le monde des vivants entre ceux qui tuent pour se nourrir et ces animaux, jamais carnivores, qui paient de leur vie les us et coutumes de notre alimentation. Marcela Iacub ne défend pas une thèse, ne justifie pas une position, ne se rallie pas à la théorie de quelque juriste ou philosophe animaliste, elle raconte seulement sa brusque renonciation à la viande. Et ce qui frappe alors, c’est que cette Argentine qui avait si joyeusement dévoré les boeufs de son pays et avait plus tard découvert les délices raffinées de la cuisine française, a adopté, pour s’adresser à nous, l’envoûtant dispositif rhétorique de saint Augustin. Confession pour narrer et avouer sa passion carnivore ; révélation brutale de l’animal comme sujet d’une vie ; conversion au végétarisme. C’est que la consommatrice invétérée de viande a subi, en lisant un traité de Plutarque, un événement foudroyant : la découverte du meurtre barbare en vue du seul plaisir de manger. La persistance émotionnelle de l’imagination qui représente la scène et l’acte du crime a fait le reste : la bonne vivante a décidé de se passer définitivement de bonne “chair”.